samedi 26 août 2006

L’eau de zamzam – le bruissement de l’aile de Gabriel

L’eau de la bénédiction divine, l’eau de la vie (comparable en ceci au « hawd » - la fontaine de l’eau de vie du Prophète (saw) du jour du jugement, et lieu de rendez-vous des gens du paradis), l’eau de la miséricorde, et de la barakat. La source de zamzam, de genèse miraculeuse, est un miracle perpétuel, un don de miséricorde, un exaucement, un rappel.

Miracle d’abord, car d’un puits de 30 mètres de fond (The History of Makkah Mukarramah, Dr. M. I. Abdul Ghani, 2004, p. 125), à 21 mètres de distance de la Kaaba, on en fait jusqu'à nos jours une exploitation ahurissante, que le puits défi par plus d’abondance. Il semble que ce puits défi l’intelligence de la consommation, pour autant qu’on en puise de 660 litres par minute, et voici plus d'un millénaire, l’eau surabonde toujours. Des pompes électriques d’extraction furent installées en 1953 (The History of Makkah Mukarramah, p. 126). Ainsi en est-il de la miséricorde de Dieu. On ne saurait justifier ce fait par voie physique ou mathématique.

Mais de quoi donc s’agit-il ?

Une eau d’essence plurielle, que chaque abreuvant fera sienne. En effet, le Prophète (saw) ne confirme-t-il pas une définition indéfinie de la substance ici présente, de facture d'une eau de source pour l’œil des mortels, mais qui cache une essence qu’on ne saurait cerner, protéiforme, insondable, irréductible, dans lequel le spirituel se mélange à la physique : - « maa’ou zamzam lima shouriba lahou» - , « l’eau de zamzam est ce qu’elle sera désirée l’être selon la raison de sa consommation » (rapportée et citée par plusieurs figures d’autorités, dont, en autre, Al Ghazali in « Ihya ‘Oloum Ouddin, pour une édition moderne, Daar Al Kotob Al Ilmiyah, Beyrouth, 1998, vol. 1, p. 243).

Selon d’autres dires du Prophète (saw), l’eau de zamzam est une panacée contre les maux; elle est aussi une substance nutritive – (Ismaël (ra) aurait vécu sur quoi après l’apparition de l’eau ?). Le Prophète (saw) aurait aussi dit qu’il en consomme pour assouvir sa soif au jour de la résurrection. (Thib Annawawi, Imam Al-Jauziyah; Healing with the Medicine of the Prophet, Traduit par J. A. Rub, 1999, p. 340-341)

Une essence non moins pure qui participe à la sacralisation de l’enceinte de la Kaaba, du « haram » – l’interdit, le sacré. Il est rapporté dans un langage qui en est particulier que le jour de la création du monde Dieu aurait protégé et interdit de cette partie de terre [la Kaaba et ses environs] toute espèce de fléau, comme les guerres, la chasse, et les calamités naturelles. La loi veut désormais qu’avec la venue du Prophète (saw) que personne n’y aurait accès que si son cœur est animé de la révérence de Dieu. Ce serait ainsi une des justifications de son appellation de « ‘ateeq », car elle s’en est délivrée de tout ce mal (selon le syntagme arabe de « artaqa minho », in Rooh al Bayan, Ismael Bourousawi, pour une édition moderne, Daar Al Fikr, vol. 4, p. 426). D'une terre purifiée, donc une eau sainte, peut-être même le symbole de cette terre, son fruit, son miracle. Le « fruit » dans la prière d’Abraham (coran 14 :37)?

Une eau dont la genèse et la géographie sont liées à Safa et Marwa, partie de terre, selon les commentaires de Bourousawi, auteur de Rooh Al Bayan, dans laquelle se trouvent soixante-dix milles envoyés de Dieu. Safa tire son nom du fait qu'Adam (as) s'y était assis, alors que Marwa se nomme ainsi par ce que Hawa (Ève) (as) s'y était également assise (Rooh Al Bayan, vol. 1, p. 262). Ces deux monts pourraient de nos jours, mais avec les réserves qui s'imposent, être vus comme véhiculant des significations plus profondes de l'humain, des jalons sur le chemin vers Dieu sur un horizon de son destin éternel. (Il est important, cependant, de ne pas employer à tort ou à travers, dans une compréhension superficielle, un jargon qui caractérise peut-être notre ère, de masculin et de féminin, qui serait fictif et trompeur en soi. Le dessein divin n'a que faire de la compréhension partielle que caractérise une certaine époque de l'humanité, que l'homme simple créature mortelle ne pourra jamais rivaliser, ni épuiser par sa compréhension).

Safa et Marwa sont aussi considérés comme deux portes du paradis, et un lieu de réponse et d’exaucement devant la miséricorde de Dieu. La visite et présence en ce lieu et son parcours équivaudrait à la délivrance de soixante-dix âmes (Rooh Al Bayan, vol. 1, p. 263). L’eau de zamzam qui dans sa genèse a été le résultat de ce parcours par Hagar, femme d’Abraham, mère d’Ismaël qui serait pour les croyants aux cœurs révérencieux une eau de l’exaucement des demandes en ces lieux saints. Car il est dit que tous ceux qui se fatiguent entre Safa et Marwa, à l’instar de Hagar, l’exaucement de sa prière devient nécessaire, et ceci jusqu'au jour du jugement (Rooh Al Bayan, vol. 1, p. 262). On dit aussi, sur un autre plan de compréhension, que Safa est le centre du cœur, alors que Marwa serait le centre de la Nafs (Rooh Al Bayan, vol. 1, p. 264).

On raconte qu’à Safa s’y érigeait une idole dans la physionomie d'un homme, selon Bourousawi, qui s’appelait Issaf, tandis que sur Marawa s’érigeait une autre idole dans la physionomie d'une femme, du nom de N'a-ila ; c’étaient deux mortels qui avaient forniqué dans l’enceinte de la Kaaba qui furent transformés en pierre. (Ces idoles sont recensées comme les dioles du panthéon pré-islamique; v. Atlas of the Quran, Dr. S. A. Khalil, Darussalam, 2003, p. 197, bien que leurs positionnements dans ces lieux auraient pu subir des changements). Ainsi, les gens de la Jahiliya les adoraient lors d’un de leurs rituels qu’ils pratiquaient à Safa et à Marwa. L’Islam brisa ces idoles. Les musulmans hésitèrent d’abord, pour cette raison, à parcourir Safa et Marwa à l’instar des gens de la Jahiliya, en tant que rituel. Le verset coranique ne reprit-il pas la sacralité des lieux en ces termes en répondant à quelque hésitation qu’on ne saurait plus souffrir : « Voici Safa et Marwa sont des rites d’Allah. Quiconque fait le Pèlerinage à la Maison ou fait la visite, pas de grief contre lui quand il circule entre les deux » (sourate II, verset 158; traduction de A. Chouraqui, Le Coran, Paris, 1990, p. 70); pour ainsi que la Maison de Dieu, et ses environs ne pourront jamais être salis, et l’attraction de la lumière divine ne saurait jamais s’éteindre, même si les gens dans leur ignorance et contre leur gré ont ressenti l’appel et la vocation de ces lieux saints, et contre leur jugement se sont vu parfaire des rituels qui dépassaient leurs compréhensions des choses. Aucun cœur ne saurait résister contre ces lieux saints. Ainsi donc pour la géographie spirituelle de cette eau, d'où on ne pourrait saisir peut-être que quelques aspects de son essence.

La genèse de l’eau de zamzam est relatée par plusieurs avec des moindres détails, mais aussi avec quelques variantes, chose non moins étonnante qu’il s’agirait d'une connaissance d'abord orale qui a survécu au cours des millénaires. Le prophète Abraham (ra), pour des raisons supérieures, fut amené à laisser Ismaël et Hagar dans un lieu [aujourd'hui la Mecque] – Abraham à qui Dieu demandera plus tard qu’il sacrifie Ismaël - dans lequel se trouvait nulle provision. Il nous semble qu’Abraham savait déjà que c’était là l’endroit de la maison de Dieu, car ne dit-il pas, alludant au dessein divin : « Seigneur ! j’ai établi une partie de ma descendance dans une vallée sans culture, auprès de Ton Temple rendu sacré. Seigneur ! [je l’ai fait] pour qu’ils accomplissent la Prière. Fais que des cœurs, chez les Hommes, s’inclinent vers eux ! Attribue-leur des fruits ! Peut-être seront-ils reconnaissants ! » (traduction R. Blachère, Le Coran, Maisonneuve et Larose, 1999, p. 283, Sourate 14, verset 37).

La décision de se rendre à la Mecque serait par inspiration divine, sur indication de l’ange Gabriel, pour établir l’enfant à l’emplacement du hijr –appelé de ce fait encore aujourd'hui « hijr d’Ismaël », l’hémicycle situé entre la Kaaba et le muret qui prolonge la face nord-occidentale (C-A. Gillis, La doctrine initiatique du pèlerinage, Paris, 1994, p. 77)

Selon Bourousawi, Abaraham aurait prononcé cette demande de la plus haute colline de Makka, faisant face à la vallée de la Mecque [la qibla] (Rooh Al BAyan, vol. 4, p. 468). Borousawi mentionne ici que la maison de Dieu (que M. Chiadmi, Le Noble Coran, Edition Tawhid, 2006, traduit par l’oratoire sacré) fait aussi allusion au cœur pieu, car cette maison ne doit abriter que Dieu (Rooh Al BAyan, vol. 4., p. 462).

Abraham parle du cœur des hommes à venir, comme s’il savait l’avènement de la Mecque et du pèlerinage. Il établit ici une relation entre le cœur de l’homme et la Maison de Dieu, d’où sortirait une subsistance. Le signe spirituel de la substance de l’âme, de sa pureté pour le croyant. D’un breuvage qui abreuverait dans le désert du chemin à parcourir vers Dieu ; d'un rafraichissement pour l’âme, d'un rappel du hawd du Prophète (saw) et de son lieu de rendez-vous. D’un breuvage pour le jour du jugement. Zamzam serait liée au cœur de l'homme et à la prière, aux dires d’Abraham, qui place sa descendance dans un pèlerinage perpétuel devant la maison de Dieu, pour y habiter, afin que Dieu habite leurs cœurs. Et c'est ici une des compréhensions même du pèlerinage de la Mecque. Hagar demanda à Abraham : « à qui nous laisses-tu ici dans ce lieu ? ». Abraham ne répondit pas. Elle de dire : « Est-ce Dieu qui t’a ordonné ainsi ». Lui de répondre oui. Elle de dire : « Dieu ne va pas nous égarer ». Elle accepta et retourna vers Ismaël (Rooh Al Bayan, vol 4, p. 428).

Abraham y déposa des dates et de l’eau, qui très vite étaient épuisées. Hagar, en désespoir, grimpa sur Safa pour voir signe de présence humaine. Elle se retourna, accouru vers Marwa, y grimpa pour des mêmes raisons. Elle répéta ce va-et-vient entre Safa et Marwa et leurs escalades de sept fois. Au bout de la septième escalade de Marwa, elle entendit un bruit. Retournant auprès d’Ismaël, elle vit un ange qui de son aile a frayé de la terre un puits (Rooh Al Bayan, vol 4, p. 468).

Hagar aurait entendu des voix l’incitant à courir vers Safa, et ensuite vers Marwa, lors de chaque course vers soit l’une ou l’autre. Elle se trouva dans un état comparable à celui de l'homme qui refuse de croire à ce qu'il entend dans son sommeil jusqu'a ce qu'il s’éveille. Alors elle se mit à invoquer : « Ecoute, El ! » (en arabe : isma’ Iîl !) – « El », serait selon Michel Valsan (le Sheik Mustapha Abdel Aziz ra) une forme bilittère du nom divin », qui se retrouve en arabe dans la composition de certains noms d’Anges. « Tu viens de me faire entendre Ta voix, Viens à mon secours car je péris, de même que celui qui est avec moi ». Pour Michel Valsan, le sens d’entendre n’a pas uniquement trait au sens de « ouïr », mais aussi et surtout celui d’exaucer (La doctrine initiatique du pèlerinage, p. 77, citant Tha’labi, ‘Ara’is al-Majâlis, chp 3). Michel Valsan cite le verset 21 :17 de la Genèse se rapportant au même événement. La référence au lieu ou se trouvait Ismaël fait de l’endroit un monument de l’événement, et commémore une nouvelle ère du monde (La doctrine initiatique du pèlerinage, p. 78).

En effet, l’eau de zamzam fut évoquée dans la Bible à au moins deux instances en son ancien testament en parlant de Hagar avec quelques indications de son endroit qui aurait suffi pour un contemporain (Genèse XVI. 7 : « L’ange du Seigneur la [Hagar]trouva près d'une source, celle qui est sur la route de Shour »…, Traduction Œcuménique de la Bible, La Pochothèque, Paris 1996, p 34b). « Dieu entendit la voix du garçon, et du ciel, l’ange de Dieu appela Hagar. Il lui dit : « Qu’as-tu , Hagar ? Ne crains pas, car Dieu a entendu la voix du garçon, là où il est. Lève-toi ! Relève l’enfant et tiens-le par la main, car de lui je ferais une grande nation ». Dieu lui ouvrit les yeux et elle aperçut un puits avec de l’eau » (Genèse 21 :17 : Traduction Œcuménique de la Bible, p 40a).

Tabari évoque la genèse avec une variante. Il relate que c’est Ismaël qui frappa son talon par terre qui donna naissance à la source de zamzam (La Chronique, Vol 1, Tabari, Actes Sud, 1984, p. 146). Lorsque Hagar aurait entendu les cris d’Ismaël, elle courut vers lui ; lorsqu’elle fut arrivée à l’endroit où il était, elle vit l’eau qui jaillissait et qui coulait sous le talon de celui-ci. A cette vue, Hagar fut remplie de joie, et, craignant que l’eau ne se perdît, elle apporta de la terre qu’elle plaça autour de la source. Le Prophète (saw) avait remarqué que si Hagar n’avait pas agit ainsi, la source de zamzam aurait formé un des plus grands fleuves qui aient existé, à cause de la bénédiction attachée à Ismaêl ; mais, ayant été ainsi arrêtée, elle n’augmenta plus et resta au même point (aussi évoqué in Rooh Al BAyan, vol. 4., p.468).

Selon l’auteur de Rooh Al Bayan, c'était la bénédiction du Prophète (saw) déjà qui s’annonçait, Ismaël étant l’aïeul de celui-ci, et que le Prophète (saw) était en germe dans ses reins (vol. 4, p. 468), et que c’est par sa bénédiction et son intermédiaire donc que zamzam prit naissance. Genèse ainsi de l’abondance et de bénédiction, de miracle et d’exaucement.

L’ange leur dit : « N’ayez aucune crainte, car c'est ici la maison de Dieu, que cet enfant et son père bâtiront, et Dieu n’égare pas sa famille » (Rooh Al Bayan, vol. 4, p. 468).

L’ange serait aussi, selon les versions, Gabriel (Thib Annawawi, p. 340).

D'un miracle d’Ismaël et de Hagar on passe d'un miracle perpétuel du Prophète (saw) et de son Dieu. On raconte ainsi que les oiseaux de l’air se réunirent autour de cette source. Les habitants des environs de la tribu de Jorhoum, ayant leurs puits à sec, erraient pour chercher de l’eau. Voyant les oiseaux, ils se dirigèrent vers eux, et furent étonnés d’y voir un puits là ou il n’existait pas de puits. Tabari raconte qu’ils dirent à Hagar : « Il y a des années que nous sommes dans ce désert, et jamais nous n’avons vu d’eau ici ». Elle répondit : « Dieu m’a donné cette eau» (Tabari, p. 147).

Ils demandent à Hagar la permission de s’y installer, en échange de lait (Rooh Al Bayan, vol. 4., p 468). Les années passèrent, qu’Ismaël grandissait, Hagar trépassa, et de peur de perdre l’accès à l’eau les gens de la tribu de Jorhoum proposèrent à Ismaël une épouse des leurs en mariage. Au fur des temps, les enfants d’Ismael s’occupaient de la Kaaba, alors que la tribu de Jorhoum gardait la source. Cependant, l'homme a rarement su respecter des lieux sacrés; les gens de la tribu de Jorhoum menant éventuellement une vie contraire au pacte divin, ils furent chassés par la descendance d'Abraham des lieux saints. En représailles, ils ont couvert le puits de sable, voulant effacer toute trace de son existence. Ainsi, pendant des siècles, le puits n'était pas repréré.

Il revient au grand-père du Prophète (saw), Abdul Muttalib, de restaurer l’endroit du puits. Il eu par rêve les indications de l’endroit, et fut ordonné à y creuser. Il y donna accès à tout le monde. À sa mort, son fils et compangnon du Prophète (saw), Abdullah bin Abbas (ra), fut chargé de la garde du puits.

Miracle vivant du prophète, prolongeant le miracle de Hagar et d’Ismael, l’étymologie du terme souffre de considération, non sans étonnement, des plumes des savants musulmans. Le lisan al arab, ouvrage d’autorité sur la langue arabe, (pour l’édition moderne, Daar Asswadir, Beyrouth, 6e ed. 1997, vol. 12, p272 et s.) tout en donnant les douze noms de zamzam, ne remonte pas son étymologie, bien que plusieurs définitions de la racine du terme soient suggérées.

Ainsi sous la racine de « z-m-m», racine du terme de zamzam on peut regrouper pêle-mêle les acceptions suivantes : (i) l’eau de « zamzam « (pl. zoumaazim) signifierait une eau abondante; (ii) citant Ibn Ala’rabi : c'est l’abreuvage, le bruissement de l’ange, le coup ou l’implusion de Jibril; (iii) citant Ibn Bari : zamzam porte douze noms : zamzamou, maktoumat, madhnouna, shoubaarat, soqyaa, alrawa’o, rakdha jibril, hazma jibril, shifa’oun soqmin, dwaraamon do’min, hafeera ‘abd ul mutwalib; (iv) on dit d'une eau zamzamoun, ou zamzaamoun ou zouwaazim quand celle-ci n'est ni salée ni douce; (v) zamzaamoun signifierait aussi le grondement du tonnerre; (vi) zamzamoun, d'autre part est le nom d’un chameau; (vi) le « zimzima » par ailleurs signifierait un groupement humain, de moins de cinquante personnes; ce terme se prolonge dans « zimzyme » pour évoquer le groupement des chameaux. Cent chameaux veut dire « zoumzoum ».

La racine de « zamma » se traduit, selon les usages et syntagmes « serrer; lier fortement, brider une monture, saisir la proie et l’emporter, dresser la tête, précéder, être en tête des gens, bourdonner, paraître, percer, s’enorgueillir, parler, dire » (pour les syntagmes, Dictionnaire Abdel-Nour al-Mufassal, Beyrouth, 2004, vol. 1, p. 991). Ainsi, « zimam » donnerait l’idée de bride, rêne, lien, limites, bornes. On dit du tonnerre quand elle gronde « zamzama »; qui connote aussi le fait de parler entre ses dents, de grésiller, de crépiter, de pétiller, de rugissement du lion, d'une masse, d'une élite. Le « qaamous al moheet » de Fayrouzabaadi (pour l’édition moderne, Al-Resalah Publishers, Beyrout, 1998), sous l’entrée de « z-m-m» (p. 1118) ajoute cette notion de nuit sans lune pour le terme de « izmeem »; à la racine de « zamma », il existe aussi le sentiment de la douleur de l’animal qui lève la tête.

Le Gesenius’ Hebrew-Chaldee Lexicon to the Old Testament de H. W. F. Genesius (Michigan, 1979), privilégie le sens de murmurer (p. 247B) pour la racine de zamzam. Selon l’orientaliste T. H. Hughes (Dictionary of Islam, London 1885, p. 701), l’origine du terme est incertaine; toutefois, selon le Dictionnaire Arabe de Johnson, il connote le murmure atténué (low buzzing sound ) des adorateurs du feu, et pourrait donc faire allusion aux murmures de l’eau du puits. Pour certains commentateurs musulmans elle serait dérivée de « zam ! » « zam ! », c'est-à-dire « remplis ! », qui seraient les injonctions de Hagar à Ismaël quand elle vit l’eau. Pour l’orientaliste Sale, il signifierait « Restes ! », car selon lui Hagar aurait parlé dans la langue Egyptienne afin qu’Ismaël ne s’égare pas.

On peut sommairement ainsi regrouper les lignes directrices des acceptions de la racine du terme de zamzam en trois: (i) l’idée de restreindre, de cerner; (ii) l’idée de murmure, de bourdonnement, de bruits; (iii) l’idée d’abondance. Pour les explications données, sauf erreur de notre part, il nous semble que l'idée d'abondance ou celle attachée à la qualité d'une eau succède au descriptif de zamzam, et ne participeraient pas à son étymologie. L'idée de cerner ou l'idée d'une injonction qui aurait été adressée à Ismaël, suscitent également nos réserves, car il s'agit ici d'un enfant.

Pourtant, il est évident que le terme « zamzam » est une onomatopée; et de plus, il s’agit d'une onomatopée dynamique et non statique; c'est-à-dire que le terme reprend et répète en un mouvement une idée ou concurrence onomatopéique. Au lieu de « zam » il existe deux « zam », qui s’ajoutent l’un sur l'autre. Il nous semble que l’onomatopée, en l’absence d’érudition en la matière, privilégierait le sens de bourdonnement, de grondement, comme étymologie du terme de zamzam. Grondement de l’eau émanant de la terre, grondement de l’aile de l’ange à l’aide de laquelle celui-ci donna naissance à ce puits, grondement de l’intervention divine sur terre? Bruissement des ailes de Gabriel? Le bruissement de l’aile de l’ange qui creusa le puits? Est-ce la parole de l’ange que rencontra Hagar ? On ne saurait en dire, mais il nous semble que cette signification se rapproche plus de son essence qui d’ailleurs n'est compréhensible que par approximation.

Un puits qui ne saurait tarir, en accord avec le cœur des gens, que le seul le péché de la terre sècherait. Certains pensent que des canaux souterrains relieraient cette source à la tombe du Prophète (T. H. Hughes, Dictionary of Islam, London 1885, p. 701), bien qu’il s’agit ici plus de réalité métaphysique, d'un ordre propre que de compréhension causale.

Cette source tarirait-elle avec l’enlèvement de la Kaaba sur terre ? Ghazali rapporte cette tradition suivante : (Ihya, p. 229) : « Dieu regarde chaque nuit les gens de la terre; Sa vision s’étend sur les gens du haram d'abord, et l’objet premier de cette vision est la mosquée du haram (Kaaba et son enceinte); celui qu’Il aperçoit en ambulation est pardonnée, celui qu’Il aperçoit en prière est pardonnée, celui qu’Il voit debout face à la Kaaba est pardonnée… » « Le soleil ne se couche pas sans qu’un ami (« abdal ») de Dieu fassent l’ambulation, l’aube ne se lève pas de la nuit sans qu’un des amis de Dieu («awtaad ») fasse l’ambulation, et le jour où cette activité cesserait, ce sera alors la cause de l’enlèvement de la Kaaba sur terre, les gens se réveilleront sans qu’ils apercevront la Kaaba, ni même ses traces, et ceci alors que sept années s’écouleront sans qu’aucune visite soit faite. Alors le coran sera enlevé des parchemins et les gens se réveilleront qu’ils verront les parchemins blancs sans écritures; alors le coran sera effacé des cœurs, on ne s’en souviendra aucun verset; les gens s’adonneront aux plaisirs de la Jahiliya. Sortira alors Dajjal, descendra alors Issa (Jésus) (ra) qui le tuera. L’Heure sera à la station de son accouchement imminent ». « Multiplier donc les ambulations de cette maison avant qu’elle soit enlevée, car elle fut détruite deux fois, et elle serait enlevée la troisième fois ».

Témoin de la miséricorde divine sur terre, la source de zamzam matérialise en terme physique ce que la Kaaba est pour les cœurs des hommes, la marque indélébile de l’enceinte de la maison de Dieu. On ne saurait s’approcher de celle-ci, « cœur » de l’existence terrestre ainsi que l’a dénommée des anciens, sans pour autant en être consacré par cette eau, abondante par son essence même, impérissable dans sa durée, défiant la logique du climat et celle de l’épuisement de ressource, magique pour le buveur qui s’abreuve ayant fait son vœu. Du coeur de l'homme ignorant méprisant son seigneur, la lumière divine une fois qu'il l'aurait prénétrée au cours du cycle de l'existence, jaillisse alors la vraie essence de l'homme qui l'abreuve, émanant d'un paradis éternel.Gabriel, pendant l'ascension, avait ramené un récipient en or du paradis au Prophète (saw) mais pas son eau, pour des raisons qui nous paraissent ainsi évidentes.

Abdool Cader Dookhy, que Dieu soit satisfait de son âme

vendredi 23 juin 2006

jeudi 22 juin 2006