Une étude approfondie sur le pèlerinage ne peut se faire l’économie d’une analyse de la vie d’Abraham (alaayhis salam) tant elle est riche en leçon de spiritualité et tant les rites même du pèlerinage ont leur origine en Abraham (alayhis salam), sa femme Hajra (ra) et leur fils Ismaël (alayhis salam).
Originaire d’Our, une cité antique de la Mésopotamie, Abraham était un Babylonien, de race sémitique mais n’était pas forcément juif. La cité d’Our était le centre de l’astrolâtrie et de l’idolâtrie et était peuplée d’adorateurs d’idoles, du soleil et de la lune.
Abraham (alayhis salam), le Hanif, monothéiste pur, refusa de considérer les astres comme de véritables divinités. Très jeune, âgé de dix-sept ans, il enseigna à ses compatriotes la notion d’un Dieu Unique (Allahu Jalla Jalaluhu), Tout Puissant, Maître de l’univers, qui est lumière sur lumière qui pour créer n’a qu’à ordonner : « Sois et c’est » (Kun faya koune) et qui échappe à toute représentation figurée. A Lui appartient les plus beaux attributs, l’Éternité, l’Infinité, la Sagesse, la Création etc.
Les polythéistes étaient aveuglés et Abraham leur posait des problèmes. Le roi Nemrood (constructeur de la tour de Babel) décida de le brûler vif avec la complicité d’Azur, le père d’Abraham (alayhis salam) qui était un idolâtre endurci et fabriquant d’idoles.
Pour mener à bien l’opération, ils avaient allumé un feu gigantesque pendant quarante jours. La chaleur devint si intense que même les oiseaux moururent instantanément en survolant l’espace infernal même à une très haute attitude.
Vu l’intensité de la chaleur, les assassins avaient eu recours à un gigantesque catapulte pour lancer Abraham (alayhis salam) au feu. Voyant l’imminence du danger, l’ange Gabriel (Jibril) (alayhis salam) fut profondément bouleversé et proposa son aide à Abraham (alayhis salam) qui la lui refusa, car il était confiant de recevoir l’aide directe de Dieu Unique. Allah le Tout Puissant intervint et dit : « O feu sois pour Abraham une fraicheur salutaire[i] ».
La flamme devint ainsi froide.
Se trouvant dans l’impossibilité de convaincre ses contemporains de la justesse de sa mission, Abraham (alayhis salam) décida de quitter sa terre natale. Il était accompagné de sa très charmante femme Sarah pour émigrer en la grande Syrie en Palestine en passant par l’Égypte.
Cependant, le roi d’Égypte pris très vite connaissance de la beauté exceptionnelle de Sarah. Le roi convoqua Sarah au château sans lui indiquer la raison. En réalité, il voulait abuser d’elle. Mais il était plusieurs fois frappé par une paralysie et une agonie temporaires durant ses tentations diaboliques par des ondes incompréhensibles venant du Ciel.
Il comprit alors que Sarah était sous la protection divine. Elle fut libérée.
Sarah se croyait stérile. Elle voulait avoir un enfant pour la famille et donc demanda à Abraham (alayhis salam) d’épouser une fille d’une famille égyptienne honorable, Hagar (Hajra) (ra) qui était aussi d’une grande beauté.
Tous ensembles, Abraham (alayhis salam), Sarah et Hajra partirent pour la Palestine où ils s’établirent. Le temps passa et Abraham (alayhis salam) allait avoir 86 ans. Il pria Dieu de lui donner un enfant qui pourrait lui succéder dans sa mission prophétique. Sa prière fut vite agréée et Ismaël (alayhis salam) naquit de Hajra. Ismaël (alayhis salam) a pour origine le mot ‘Samera’ qui veut die entendre. La prière d’Abraham (alayhis salam) fut entendue.
Tout se passa joyeusement. Toute la famille était très contente, jusqu’au jour où Sarah fit une crise de jalousie en voyant l’affection grandissante d’Abraham (alayhis salam) pour Ismaël (alayhis salam) et Hajra (ra). Elle insista auprès d’Abraham (alayhis salam) pour qu’il envoyât Hajra (ra) et Ismaël (alayhis salam) vivre quelque part loin de leurs yeux.
Prophète et guidé par la Sagesse Divine, Abraham (alayhis salam) accepta. Prenant quelques dattes et un peu d’eau comme bagage, il partit accompagné de Hajra (ra) et d’Ismaël (alayhis salam). Il les quitta dans un désert aride en Arabie (Saoudite), un endroit nommé Wadi Al Attash (Vallée de la Soif) maintenant connu sous le nom de Makkah (La Mecque).
La scène se passa il y a quelques 5000 ans de cela dans un lieu tout à fait désert. Il n’y avait là-bas aucune source de vie (pas d’eau, pas de végétation, pas d’animaux). Personne n’habitait ce lieu. Ainsi, les deux exilés n’avaient rien de quoi se protéger contre une chaleur infernale de 60° à certains moments.
Ce n’était pas sans douleur qu’Abraham (alayhis salam), le père, se sépara de son fils et de son épouse. Alors qu’Abraham (alayhis salam) partait, Hajra (ra), femme modèle et pleine d’obéissance prit conscience de la gravité de la situation et lui demanda : « Est-cque tu vas vraiment nous laisser dans cet endroit où il n’y a ni eau, ni nourriture, ni personne, est-ce la volonté d’Allah ? ».
« Oui », répondit Abraham (alayhis salam) par un signe de tête. Hajra (ra) poussa un grand soupir en disant : « Surement, Il prendra soin de nous ». Quelle foi !
Pendant le voyage, Abraham invoqua Allah en ces termes :
« Seigneur ! J’ai établi une partie de ma descendance dans une vallée stérile près de ta maison[ii], afin Seigneur qu’ils accomplissent la prière. Fais-donc que les cœurs de certaines personnes s’inclinent vers eux. Nourris-les de fruits, peut-être te seront-ils reconnaissants[iii] ».
Très vite leur réserve d’eau s’épuisa. Ismaël (alayhis salam), un bébé ne pouvait résister à la soif. Il était déshydraté et se mit à pleurer.
Hajra (ra) était terrifié, mais elle escalada la colline avoisinante, Safa, avec beaucoup de courage pour essayer d’apercevoir du sommet un oasis ou une éventuelle caravane susceptible de sauver Ismaël de la mort. Malheureusement, il n’y avait ni l’un ni l’autre.
Cependant, toujours optimiste, elle courut sur l’autre colline, Marwa, située à 395 mètres de la première. Elle était consternée. Rien n’était en vue. Affolée, elle fit sept fois le trajet entre Safa et Marwa, en courant, grimpant, pleurant et priant Dieu pour la miséricorde.
Épuisée, elle délaissa les collines pour voir l’état d’Ismaël (alayhis salam). Mais elle était toute surprise de constater que de l’eau jaillissait là où son fils avait tapé les pieds. Était-ce un mirage ou une réalité ?
Un jet d’eau cristallisé jaillissait si puissamment qu’il l’arrosait de plein fouet. Tout d’un coup l’enfer se transforma en paradis. Ce n’était pas un mirage mais bien un miracle. Pour éviter tout gaspillage, elle essaya d’arrêter le jet d’eau avec du sable en disant « Zam Sam » (arrêtes- arrêtes) Ya Mubarakah ».
Ce miracle était suivi d’un autre. Les habitants du Yémen devraient affronter une terrible sècheresse. Une tribu du nom du Jurham décida donc de quitter la région sinistrée en quête d’un endroit plus verdoyant. En route vers le nord, la tribu passa très loin de la Vallée de la Soif (Makkah). Le caravanier, un observateur professionnel de la nature, observa que les oiseaux s’envolaient vers la direction de la Vallée de la Soif. Les voyageurs conclurent qu’il devait avoir de l’eau dans cette région. Ils firent un détour et était surpris de rencontrer une femme seule avec son bébé près d’un jet d’eau, qui, bien entendu, deviendrait le célèbre puits béni de Zam Zam.
La vue de cette eau abondante (source de vie) incita la tribu de Jurham de s’y établir avec la permission de Hajra (ra).
Une nouvelle ère commença. Spirituellement, l’homme va pouvoir progresser à grands pas. On érigea des tentes. La Mecque embryonnaire commença à se construire petit à petit. Une ville naîtra au centre du monde.
De son côté Abraham (alayhis salam) vivait toujours en harmonie avec Sarah en Palestine. Après avoir fait plusieurs demandes auprès de Sarah, il obtint finalement la permission d’aller enquérir des nouvelles de Hajra (ra) et d’Ismaël (alayhis salam) assortie d’une condition stricte de ne pas descendre de sa monture en les rencontrant. Il n’était pas question pour lui de pénétrer dans leur tente.
Abraham (alayhis salam) fut très ravi de voir qu’Ismaël (alayhis salam) et Hajra (ra) jouissaient d’une bonne santé et de voir une ville naissante.
Soulagé, mais homme de parole, il repartit vers la Palestine sans poser les pieds sur terre. Dorénavant, il se fait un devoir de leur rendre visite annuellement et de prier abondamment pour eux.
Le temps passa, Ismaël (alayhis salam), le bien aimé de toute la petite ville allait avoir 13 ans quand soudain, Abraham (alayhis salam), le père, reçut en songe un ordre d’immoler son fils unique, être qui lui est le plus cher, de d’Allah. C’était dur, très dur même, surtout qu’il avait beaucoup prié pour avoir un fils et que lui, Abraham (alayhis salam), était maintenant âgé de 99 ans. Néanmoins, pour lu l’ordre de Dieu était prioritaire sur toute chose ; c’était même la priorité des priorités.
« Mon cher Confrère fils, j’ai vu en songe que je t’immolais en sacrifice à Dieu. Dis-moi ce que tu en penses ? », dit Abraham (alayhis salam).
« O mon cher père, fais ce qui t’est demandé : tu me trouvera, si Dieu veut, du nombre des endurants[iv] ».
Quel père, quel fils !
Pour faire le sacrifice d’Ismaël (alayhis salam), Abraham (alayhis salam) l’emmena sur une colline à Mina à 5 kilomètres de La Mecque. Il avait avec lui un couteau bien aiguisé.
Satan, l’ennemi juré de l’homme, suivit la scène avec beaucoup d’intérêts. Il essaya de détourner Abraham (alayhis salam) de sa résolution. Satan lui apparut sous la forme humaine. Lassé de sa présence, Abraham (alayhis salam) prit une poignée de cailloux et la jeta au visage de Satan. Audacieux, il réapparut sept fois et le prophète Abraham (alayhis salam) lui jeta des cailloux sept fois.
Téméraire, nullement découragé, changeant de tactique, Satan chercha à influencer Hajra (ra) en jouant sur ses sentiments maternels. Satan lui dit : « Le bonhomme est devenu complètement fou, sur un vilain cauchemar, il veut assassiner son propre fils ».
Hajra (ra), tout comme Abraham (alayhis salam), lui envoya des cailloux à la figure. Satan tenta une dernière fois sa chance auprès d’Ismaël (alayhis salam) en lui disant que son père était un bourreau et était sans amour paternel. Mais là encore, il reçut d’Ismaël (alayhis salam) des cailloux au visage.
Abraham (alayhis salam) banda ses propres yeux pour ne pas voir la scène. Il passa son couteau sur le cou d’Ismaël (alayhis salam). Ayant prouvé sa soumission à Dieu, il fut miraculeusement arrêté dans son geste. Croyant qu’il avait déjà sacrifié Ismaël (alayhis salam) il enleva son bandage. Il vit que Dieu avait remplacé Ismaël (alayhis salam) par un bélier.
C’est ainsi que Dieu récompense ses serviteurs fidèles. Aussi Dieu enseigne-t-Il à toute l’humanité qu’il ne faut pas offrir un être humain en sacrifice à Lui. (Même de nos jours, dans certaines régions du monde cette pratique de sacrifice à dieu d’un être humain se pratique malheureusement). Les musulmans eux feront le sacrifice d’un animal.
« O Abraham, tu as ajouté foi à ta vision ! Voici comment nous récompenserons les vertueux. Certes, c’était une épreuve décisive, nous rachetâmes l’enfant au prix d’une immolation considérable et nous perpétuâmes le souvenir d’Abraham parmi les générations postérieures[v] ».
Abraham (alayhis salam) fut encore une fois récompensé. Bien qu’il était alors âgé de 100 ans, Allah lui donna un autre fils sous le nom d’Isaac (alayhis salam) issu de Sarah qui se croyait toujours stérile. C’est certainement un miracle. Pas mal comme cadeau pour un centenaire !
Petit à petit le village grandissait avec l’irruption des tentes. Ismaël (alayhis salam) grandissait aussi. Parallèlement, l’humanité commença à devenir adulte. Après avoir testé et trouvé digne, Abraham (alayhis salam) fut promu Imam, chef de l’humanité. Dieu lui confia la construction de la première Maison de la prière (la Kaaba) sur son site originel qui avait disparu avec le déluge du temps de Noé.
« La première maison qui a été édifiée pour les gens, c’est bien celle de la Baka bénie et une bonne direction pour l’univers[vi] ».
Mais le site n’était pas visible puisqu’il était couvert de sable pendant des siècles. Abraham (alayhis salam) demanda à Dieu de lui indiquer le lieu. Ainsi un vent violent balaya tout ce qui y reposait. Abraham (alayhis salam) découvrit alors que le site se trouvait à 20 mètres du puits miraculeux qu’on appelle Zam Zam.
« Et quand nous indiquames pour Abraham le lieu de la Maison en disant ne m’associe à rien et purifie ma Maison pour ceux qui tournent autour, pour ceux qui s’y tiennent débout et pour ceux qui s’inclinent et se prosternent[vii] ».
Bismillah Hirrahman Nirraheem, Abraham (alayhis salam) commença la construction de la Maison Honorée avec l’aide de l’ange Gabriel (alayhis salam) comme l’architecte et Ismaël comme aide-maçon.
La structure était rectangulaire avec la partie nord-ouest arrondie (semi-circulaire) d’une hauteur de 4,5 mètres, sans toit avec deux portes. La construction progressa. L’ange Gabriel (alayhis salam) disparut et réapparut avec une pierre qu’il ramena du mont Abu Qubays. Abraham (alayhis salam) encastra cette pierre sacrée dans le coin Est du bâtiment, comme repère pour le commencement des tournées rituelles (tawaaf). Cette pierre blanche est devenue noire durant la période post-Abraham (alayhis salam) et préislamique par les souillures des mains des pécheurs et des idolâtres. Actuellement on l’appelle Hajar Aswad (La Pierre Noire).
Ismaël (alayhis salam) lui aussi apporta une grosse pierre sur laquelle Abraham (alayhis salam) se tenait pour compléter la partie supérieure du mur. Avec le poids de sa foi débordante, ses pieds s’enfoncèrent dans la pierre. Les traces de ses pieds existent encore aujourd’hui, mais c’était plutôt les traces indélébiles de sa foi qui apparurent sur la pierre. Une fois la construction terminée, la pierre fut gardée tout près de la Kaaba. Actuellement, cette pierre se trouve sous un dôme de cristal pur. Le tout se trouve dans un enclos métallique située à environ 10 mètres en face de la porte de la Kaaba. C’est bien cette pierre qu’on appelle Maqaame-Ibrahim (l’endroit où Abraham (alayhis salam) se tenait debout).
L’œuvre fut accomplie sans bavure. C’est un chef d’œuvre architectural qui apparut au centre du monde. Il sera toujours honoré. C’est ainsi que Dieu demanda à Abraham (alayhis salam) d’appeler les gens du monde entier à accomplir le pèlerinage (Hajj).
« Et fais aux gens une annonce pour je Hajj. Ils viendront vers toi à pieds et aussi sur toute mouture venant de tout chemin éloigné.
Pour participer aux avantages qui leur ont été accordés et pour invoquer le nom d’Allah aux jours fixés sur la bête de cheptel qu’Il leur a attribuée en nourriture[viii] ».
« Comment est-ce que ma voix parviendra aussi loin », demanda Abraham (alayhis salam). « La diffusion de ta voix est sous ma responsabilité. Tu n’as qu’à lancer l’appel. Ils t’entendront. Tous, même ce qui ne sont pas encore venus sur terre », répondit Allah.
Aujourd’hui, il suffit de voir les images du pèlerinage (Hajj) pour voir que Dieu a tenu Sa parole !
Fils d’un fabriquant d’idoles, Abraham (alayhis salam) édifia la Maison de Dieu (La Kaaba) pour le culte du Dieu Unique et devient lui-même le premier pèlerin (Haji) post-Adam (alayhis salam). La Maison de Dieu est un symbole matérialisé du monothéisme pur. Ce n’est pas une demeure habitable, néanmoins son existence est ressentie par tous les croyants.
Élevé à la dignité de Khalil (l’ami d’Allah) et détenteur du titre d’Imam (chef de la communauté des monothéistes), Abraham (alayhis salam) mourut à l’âge de 175 ans laissant après lui une génération de prophètes. Dawood (alayhis salam), Suliman (alayhis salam), Moussa (alayhis salam), Issa (alayhis salam) et le chef de tous les prophètes, Muhammad (sallahu alayhi was salam). Il est inhumé[ix] à Hébron, en Palestine, tandis que le tombeau d’Ismaël (alayhis salam) se trouve dans le Hijr[x], une partie intégrante de la Kaaba.
[i] Le Saint Coran, chapitre 21, verset 69.
[ii] Il n’y avait alors plus le bâtiment de ce temple construit jadis par Adam (alayhis salam) à l’exception du site.
[iii] Le Saint Coran, chapitre 14, verset 37.
[iv] Le Saint Coran, chapitre 37, verset 102.
[v] Le Saint Coran, chapitre 37, versets 105-108.
[vi] Le Saint Coran, chapitre 3, verset 96.
[vii] Le Saint Coran, chapitre 22, verset 26.
[viii] Le Saint Coran, chapitre 22, versets 27-28.
[ix] Le lieu est connu sous le nom de Tombeau des Patriarches
[x] Sa mère également y est inhumée là.